Crack , Dépendance , Amour , Sevrage , Crises , Une
Histoire de Vie |
11 Décembre 2011 départ de France en
voilier, direction Martinique Brésil , 10 Avril 2012 entrée
officielle en voilier à Belem,
25 Mai 2012 arrivée en bateau à
Itacaré, état de Bahia, Brésil. 29 Aout 2013 signature du
compromis d'achat de la fazenda .
Fin Novembre 2013.....Voilà 18 mois
que je suis arrivé au Brésil, autant de temps que je croise
cette "fille" qui mendie , Isis.
Une jeune femme bizarre, qui
fait l'aumone, ou se prostitue, ou encore fait des massages
sur la plage.
Ça fait 18 mois que je la vois évoluer..C'est
sùr, elle prend du Crack, parfois elle est très "speed",
horrible, agressive.
Elle parle de dieu, se donne des claques,
baisse la tête comme un moine hindou..... D'autres fois, elle
semble mieux, bien habillée.
elle dit faire une "thérapie", je
la croise, de loin, sur la plage, elle joue au
volley.....enfin presque...elle est avec une équipe,
mais ne
semble pas s'intéresser vraiment au ballon...Elle esquisse des
pas de danse....C'est beau... de la voir ainsi,
danser...légère..
...
.malgré une grossesse évidente...Elle oscille
entre le Crack, et une vie normale, des moments de stress,
d'agressivité,
et d'autres de tranquilité, où elle gagne sa
vie avec des massages...Un autrejour je la croise, de plus
près...Elle veut de l'argent..
Je lui dis que j'aimerais
l'aider, mais je ne sais pas comment ??? elle a besoin d'huile
pour ses massages..Ok je vais avec elle,
en acheter à la
première pharmacie..Puis elle veut aller acheter autre chose,
mais je ne la suis pas . Je lui donne deux "reais",
et elle
embrasse mon tea shirt...Un geste de remerciement, mais
tellement "exagéré". Deux reais " 70 centimes d'euro"...rien
..
ça me gène qu'elle soit aussi reconnaissante pour si peu.
Elle me fait de la peine, et en même temps je la trouve belle.
Elle semble assumer sa grossesse, cet enfant....
En fait ici, Itacaré, ou au Brésil en
général, il y a beaucoup de mendicité. Je ne donne jamais
d'argent, ou si peu.
Et puis le Brésil est un paradis, de la
forêt fructifère...On peut vivre sans rien, seulement de
cueillette
.
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18 mois que je vis sur le bateau, ancré au milieu du fleuve.
Je viens de signer l'achat d'une fazenda,
forêt, cacau,
une maison. Je restaure la maison, et je me dis que pour ne
pas rester seul,
je pourrais tenter de partager ce lieu avec
Isis. J'ai travaillé sept ans avec des toxicomanes,
dans la
rue, ou en centre de soins, héroine, canabis....
J'ai un peu
d'expérience. Peut-être que j'arriverais à la sortir de la rue
et du crack...
Alors je dis à mon ami Marc , que s'il la voit passer, il faut
qu'il lui dise que j'ai une proposition
à lui faire. Elle
pourrait venir vivre dans la fazenda, et essayer d'arrêter de
fumer du "crack",
me donner un coup de main pour la maison,
etc...
Marc le lui dit, et du tac au tac, elle répond : "Oui, il
serait temps , au septième mois de grossesse,
que j'ai une
présence masculine auprès de moi"....Et elle ajoute: " da o
recado pra ele"...
c'est à dire "passe lui le message"....J'en
reviens pas de son "tac au tac". Très fin....qui semble dire
je veux bien aider , avoir une présence masculine, mais
arrêter le crack, ça, c'est une autre affaire.
Impossible de croiser Isis par hasard, ou d'attendre
patiemment qu'elle passe sur la plage,
alors, je demande à
Marc de lui dire encore, s'il la voit, que je l'attends à la
Tapiocaria
vers 18h demain. Marc le lui dit, et elle lui
répond : " Estarei", "j'y serais".
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Le lendemain donc, je l'attends, me
demandant si c'est bien raisonnable, ou vais-je.....?.
Vers 19h , ne l'ayant pas vue, je pars, et elle arrive, toute
pomponnée, ongles soignés, jaunes. Elle a besoin d'argent, 20
reais.
Je lui dit que je vais l'aider, que je ne sais pas trop
comment, mais que je crois que ce serait bien pour elle de
s'éloigner
un peu d'Itacaré . je vais lui montrer la Fazenda,
et elle verra si ça lui plait.
Elle propose de venir ce soir sur le bateau, et visiter demain
la Fazenda .
Je n'ai pas trop envie de faire ainsi. Un peu trop précipité à
mon goût. Je lui dis que demain matin, j'ai plein de choses à
faire,
mais que je peux l'emmener demain à midi.
Elle est d'accord. J'essaie de savoir un peu sa vie. Elle
vient de Sao Paulo, et a vécu à Porto Séguro, puis à Itacaré.
Elle a 33 ans, une fille de quatre ans gardée par sa mère.
Elle n'a connu son père qu'à 15 ans.
Elle dort chez un ami, ou
souvent sur la plage, ou ailleurs....On marche dans la rue,
elle s'extasie devant la boutique de parfum,
puis devant de
petites chaussures roses avec une fleur ! Elle baisse souvent
la tête, fait des signes de croix,
me remercie toutes les dix
minutes.
Elle est très touchante, avec ses trente trois ans, et ses
airs de petite fille, ou de femme dure, ça dépend des moments.
Mais l'impression majeure est que c'est une petite fille.
Bref, je lui donne rendez-vous demain à Casa de Taipa, mon
restaurant préféré, ou je déjeune presque tous les jours.
Je
me dis ; ça lui fera pas de mal de faire un repas correct.
Le lendemain, midi pile, elle arrive, hésite à s'approcher du
restau, reste en arrêt comme une enfant timide....
Elle
s'avance, mais les "garçons" ne la laisse pas entrer. Je vais
aussitôt leur dire que je l'ai invitée.
Et je mesure déjà une part de sa vie. Visiblement, elle est
mal venue dans ce restaurant, sans doute a-t-elle suscité des
problèmes......
Je l'emmène vers la "lancha", la barque , puis visite de la
Fazenda....Elle est toute contente .
Mais, j'ai du mal à savoir
si elle feint, ou si c'est naturel....Elle a des attitudes de
cover girl, un peu comme ces femmes
qui cherchent à accrocher
un homme qui a de l'argent. Après avoir visité la fazenda,
elle veut rester sur le bateau.
Quand je lui propose de
s'installer dans la cabine avant, elle dit qu'elle préfère
dormir dans le carré à coté de moi,
le lit d'à coté. Il semble
qu'elle soit à la fois très dépendante affectivement, et
.....Je ne sais pas.....Finalement on se rapproche,
on dors
ensemble, on couche ensemble.....
Je ne suis pas très fier de moi, en même temps j'ai envie
d'elle, quatre années seul ????
Elle joue l'amoureuse, la petite fille, la barbie qui
s'extasie devant une robe de mariée.
Elle fait la cuisine,
nettoie le bateau, chante deux heures durant devant le
tracto-pelle tout neuf qui vient d'arriver.
Ce fut un moment
mémorable. Elle s'est mise à chanter , assise sur le tracto, à
la manière d'une femme possédée
par je ne sais quelle autre
entitée....bizarre....j'étais très gêné, embêté. Mon ouvrier
était là, on travaillait dur pour que cette
machine puisse
traverser un petit ruisseau. On coupait du bois, entassait des
branches, des feuillages,
et Isis chantait à tu tête, en
vérité, comme une folle...Il semblait que rien ne pouvait
l'arrêter,
et surtout rien ne "devait" l'arrêter.
J'avais peur......peur qu'elle fasse une crise...un
délire......mais non, rien de plus qu'un chant..libre....
2 décembre, le soir, en arrivant au bateau avec la barque en
alu,
elle ne supporte pas d'avoir à l'amarrer, parce qu'elle
n'y arrive pas.
Elle veut que je l'aide, mais je lui réponds
qu'elle peut y arriver seule.....C'est la crise de
nerf......
Je ne supporte pas ça, et la laisse seule dans la
fazenda pour passer la nuit. Le lendemain elle veut partir.
Je
la ramène à Itacaré.
Je me sens coupable...manque de patience. Avec le recul des
mois, je me suis remis dans cette situation,
et je me suis
aperçu qu'il était assez difficile d'amarrer ce coté de la
barque.
Le lendemain à Itacaré, je fais le tour des gens qu'elle m'a
présenté, ses amis, pour lui faire savoir qu'elle peut
revenir.
Le sur-lendemain elle se présente à "casa de taipa"....Et
voilà, retour à la fazenda.
Elle semble être très bien ici,
mais les allers retours à Itacaré sont un peu une épreuve
chaque jour, pour moi.
Elle y est dans un état d'excitation
difficile à supporter..beaucoup de demande d'achats
divers...
Chaque jour amène une petite crise , avec clash
possible, aux limites.....mais, bon,elle ne part plus,
s'excuse abondemment......
Je reste très étonné , content,
parfois désemparé....
Elle veut aller chercher ses affaires.....où.....en fait elle
dormait "vivait", dans un squat installé dans une immense
maison
jamais terminée, en face de la mer , à 50m de la plage.
Un peu dégueulasse, mais rien à voir avec les squats des caves
parisiennes.. Le soleil, la plage, "squat de rêve"....
On
récupère ses affaires....des trésors de chiffons....
Le temps passe, pas de crise, je lui achète de l'"herbe",
canabis, j'ai aussi payé ses petites dettes (30 reais = 8 euros),
C'est
pas grand chose, mais très désagréable. Aller rendre visite
aux dealers, dans un quartier malfamé....
J'ai choisi de lui
laisser de l'herbe à disposition, car c'est le seul produit
notoirement utilisé pour aider au sevrage de crack,
et puis
c'est léger, et sans doute moins toxique que les médicaments
psy.
Je me sens bien souvent dépassé par les difficultés...tiraillé
aussi entre mon désir initial de la sortir de la rue,
et des
sentiments amoureux naissants, la nécessité d'être à la fois
un éducateur..un peu un père...un amant...un thérapeute .....
J'entre en contact avec le " CAPS " ou centre d'attention
psycho social de Itacaré. C'est une structure type centre de
jour .
Ils organisent des activités de peinture, sport, repas de midi
gratuit. Il y a une psychologue et une psychiatre.
Je
rencontre toute l'équipe, et j'évoque avec la psychologue ma
situation et celle d'Isis.
Ils la connaissent un peu, mais
sans plus . Elle a l'habitude de déjeuner là, parfois de
participer à des activités.
Isis est donc de retour. elle plante, repique des fleurs,
arrose le jardin, fait le ménage, cuisine, avec baucoup
d'énergie,
avec quelque chose d'obsessionnel.....de vital,
comme peut-être un enfant hyper actif.......décore la maison,
fait du crochet ,
couds une petite serviette....Elle a des
besoins sexuels importants, on fait l'amour trois à quatre
fois par jour,
toujours à sa demande : "vai me levar pra cama
??"....Puis je me lasse et elle le sent...S'éloigne un
peu....se dit jalouse .
Je suis tendu, fatigué....Contrarié par pleins de petits
problèmes, le projet d'électricité qui n'avance pas,
l'achat
d'une voiture reste impossible...le groupe électrogène en
panne....J'ai de plus en plus de mal à la supporter....
car
elle m'aide aux taches du quotidien, mais impossible de parler
de quoique ce soit, et il y a ses crises de nerfs qui sont là,
comme une présence permanente, comme du lait sur le feu.
Et surtout, je ne sais pas ce qu'il se passe.
Qu'elle rit,
pleure, soit triste, elle refuse toujours de dire ce qui se
passe pour elle, dans sa tête, à quoi pense t-elle ?.
Je la
regarde, et elle a ce regard bizarre, pas vide, mais "étonné",
ou fait des grimaces....
Je crois qu'elle ne voit pas " l'autre ". Je dois faire ceci,
ou celà...pour elle...pas vraiment pour lui faire plaisir,
mais parce qu' elle le veut...comme ça...sans raison.
Faut-il être sa "chose".....
Après deux jours de distance, ce soir, j'ai l'impression que
j'ai du mal à reconnaitre que je l'aime.....On fait
l'amour.....
Ce matin, je reviens du bateau, elle a ouvert le pot de
vernis, pour faire un collier....
Elle en a mis par
terre....sur le couteau de cuisine. ...sur ses vêtements, sur
les fenêtres.
Je lui rappelle assez durement qu'elle ne doit
pas faire ainsi, et doit m'en parler avant de se lancer dans
du bricolage.....
Elle se met en colère....moi aussi...." vai
em bora "...Elle refuse de parler , d'entendre des
explications .
Elle prépare ses affaires pour retourner vivre
à Itacaré. Je suis soulagé....Je vais pouvoir me
reposer....
Mais sa grossesse arrive à terme....quoi faire ?
Impossible de la retenir, quand elle fait une crise de nerf,
je n'ai pas de solution , à part me taire pour éviter plus de
violence,
elle casse du verre, menace de mettre le feu au
jerican d'essence......j'imagine voir tout exploser.....
Je
m'éloigne, elle se calme....et s'en va.....
Le lendemain, je vais déjeuner à Casa de Taipa, je suis
triste....Un crash pour un peu de vernis par terre....
C'est
tellement dérisoire....
Alors, je m'inquiète d'elle...à l'hopital d'Itacaré, on me dit
qu'elle est passée par là, et qu'elle a été transférée à
Ilheus
la plus grande ville voisine....Je vais à Ilheus,
finalise l'achat de ma bagnole tant espérée, et trouve
l'hopital...
.elle doit être à l'autre, ou il y a une
maternité....Oui....elle est là...contente de me voir.......me
met "Davi" dans les bras,
c'est ainsi qu'elle l'a baptisé...il
est très mignon...Frippé , un peu moche comme tous les
bébés......
Je rencontre infirmière et médecins, les mets un
peu au courant de la vie d'Isis . En retour, ils me disent que
le bébé va bien,
pas de problème pour l'instant. J'évoque avec
eux la question du "crack", et des conséquences sur un nouveau
né,
sevrage éventuel.........Je ne connais pas grand chose sur le
"crack". Eux non plus .
Ils vont appeller un de leurs
collègues plus spécialisé.
Je vais revenir après demain, puis après demain
encore........Nous parlons un peu..Isis n'a pas la parole
facile...
Enfin, si, pour tout ce qui est facile à
dire,.....mais les émotions, ...les
sentiments....???????????????
Pour moi non plus, c'est pas si simple.......On continue à
faire connaissance..
J'apprends quand même que Davi a la siphilis, et elle
aussi.....Je suis assez contrarié.....trop bête...trop
con....
Il faut que je fasse un test moi aussi.....le service
public n'a pas les kits "siphilis"..Ce sera donc un
laboratoire privé...
.résultat dans dix jours.
En attendant , je dis à Isis, "plus de contacts, bisous....etc
....nada...".Elle comprend, mais je sens que c'est pas net.
Elle a des gestes très sympas, me met Davi dans les bras,
m'invite gentiment à "cuidar" de lui (faire attention,
protéger).
Je suis très touché par ces gestes, et en même
temps méfiant, car je crainds qu'elle ne fasse celà avec des
arrières pensées.
elle pourrait vouloir que je le
"reconnaisse".
je suis très ambivalent, car en même temps celà
me ferait plaisir de me déclarer comme son père.
Mais je n'ai
pas confiance en Isis, pas assez.
Un jour, à l'hopital, elle m'annonce tout naturellement,
qu'elle a gouté les excréments de son fils.....?????? Je suis
abasourdi.
Puis je réfléchi.....une pratique des sociétés
primitives.....Elle voulait savoir si il allait bien .
Bon, ça
me parait assez grave tout de même.
Isis reviens à la fazenda avec son bébé, "Davi". Je suis allé
les chercher à la maternité.
Elle se montre très mère poule,
inquiète, trop.
Je lui répète souvent qu'un enfant, c'est déjà
un individu, et qu'il faut le respecter en tant que personne
différente de soi.
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,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,deux mois
passent sans que je trouve le temps
d'écrire............................................
.....après l'accouchement Isis s'est
montrée très fusionnelle avec son fils.
Puis un jour , alors
que le petit pleurait déjà assez souvent, je la questionne un
peu plus, car ses pleurs m'inquiètent .
Elle me dit que ça
fait trois jours qu'il n'est pas allé à la selle. ça dépasse
les bornes, et je lui dis qu'elle fait son cinéma
surprotecteur, mais qu'elle laisse son fils souffrir trois
jours sans s'en préoccuper réellement....
Je lui signifie que
si ça continue, je vais être obligé de faire un signalement
aux autorités. Le lendemain, elle s'en va.
Puis confie son
fils à une de ses amies. Je fais une déposition au conseil
tutélaire
(équivalent du service de protection de
l'enfance)
...car, je n'ai aucune autorité sur Isis, aucune
influence, et encore moins de pouvoir légal..
Je sens en elle
des désirs très ambivalents envers son fils , je sens des
attitudes surprotectrices dangereuses .
Le sur-lendemain elle
veut reprendre son fils, et son amie le lui refuse...Crise
s'en suit....
Puis intervention de la police, et son bébé lui
est retiré et aussitot confié à sa mère.
Je me sens coupable,
ce n'était pas ce que je voulais. Je retrouve Isis dans un
état pitoyable.
Elle est retournée au crack bien sûr, elle
revient à la fazenda. Elle ne m'en veut pas.
J'ai l'impression
qu'elle est soulagée d'un poids. Et puis, c'est d'elle dont je
m'occupe maintenant.....
Mais bon, elle veut retourner
surfer......semble souffrir, écoute et réécoute sans cesse un
jouet musical de son bébé. Surfer ???
Elle veut retourner
fumer son crack en fait.... Enfin bref, elle est partie de
nouveau et je ne sais plus quoi faire.....
Isis est partie avec 20 reais pour
acheter de l'herbe.
Je n'avais pas l'énergie de courir après
des dealers et elle voulait que je lui fasse confiance .
C'était risqué, je le savais.
Mais comment montrer que ce
n'est pas un problème de confiance, mais seulement la
connaissance du fait qu'elle n'est pas prête .
.....Enfin....Je
l'ai laissée y aller seule...Une semaine qu'elle est partie,
elle ne reviens pas.....
Et je prends conscience qu'on a des points communs. Elle ne
peut pas vivre comme tout le monde, et moi,
je joue les
"profs" ou "éducs", et je ne peux pas vivre, moi non plus,
comme tout le monde. Pourquoi est-ce que je vis seul,
si loin
de mes origines ???
J'ai encore fait le con, toujours à donner des leçons, alors
que je suis tout le temps au bord du vide,
sans désir, ni
vraiment de plaisir.
Elle était bien plus vivante que moi.
J'ai cette même rage au fond de moi. Et au lieu de partager,
avec elle, je suis resté sur mon pied d'estale...
Isis, c'est une personne très
étonnante, deux personnalités. Une petite fille, qui, pour
passer Noel demande seulement
de regarder un dessin animé ,
qui chante deux heures sur le tracto-pelle tout neuf .
Elle
est toujours bien, dit bonjour à tout le monde dans la rue .
C'est un peu son gagne pain,
car elle sollicite de l'aide
auprès de tout le monde, quelques petites pièces de monnaie
pour parvenir à acheter son caillou de crack .
Mais sa manière
de "mendier" a un coté très sympa quand même, beaucoup de
gentillesse, sourires,
petits mots sympas aux mamies qui
l'aiment bien . Elle marche toujours sur le trottoir, et a
peur de traverser les rues.
Si des personnes, des enfants,
marchent dans la rue, elle va leur dire, avec beaucoup de
gentillesse,
que c'est plus prudent de marcher sur le
trottoir. Fait une prière à chaque repas pour remercier de la
nourriture,
et du jour à venir qui est un cadeau.....Elle
parlait à son fils tout le temps avant la naissance, et
m'invitait à en faire autant,
avec beaucoup de "vérité". Bien
sûr il y a un peu d'extravagance dans tout son comportement,
d'exagération, mais pas trop.
Sa folie est joyeuse,
attendrissante, sans perversité.
L'autre versant c'est celui d'une jeune femme très dépendante
affectivement.
Quand elle est là, dans la fazenda, toutes les
dix minutes, elle m'appelle pour savoir ou je suis, me suis
partout.
Par contre, elle pique des crises de nerfs toutes les
semaines, et chaque fois je la renvoie se calmer en allant
parler à un arbre,
et elle retourne à la rue. Je suis assez
dur je crois, trop . et ça ne permet pas de parler. Elle
refuse de parler de toute façon.
C'est sur ce point que sa
"folie" est visible.. Les choses se sont dégradées après la
naissance de "Davi".
Elle jouait son role de mère assez bien,
avec, la aussi, un peu d'exagération....
Mais quand elle m'a
confié avoir goutté les excréments de son fils, là j'ai
compris qu'il y avait un problème grave.
Je lui ai dit que ce
n'était pas à faire ce genre de chose, et elle a semblé
accepter.
Je me sentais souvent obligé de lui dire qu'un bébé
c'était déjà une personne,
qu'il fallait le respecter comme un
être à part entière . Je répétais cela assez souvent sans
avoir pleine conscience du pourquoi.
Je sentais que ça pouvait
déraper, mais rien de vraiment dramatique.
Quand Davi dormait, elle souhaitait le voir éveillé, et quand
il s'activait, elle essayait de l'endormir.....
Ensuite les
choses se sont agravées, mais plus par concours de
circonstances, et aussi à cause de sa grande agressivité
quand
elle pétait les plombs.
Je reste avec cette impression que
j'aurais peut-être pu l'aider à apprivoiser sa folie,
peut-être avec la mienne.
C'est plus difficile d'écrire sur le sujet de la sexualité,
mais bon, nous avions des rapports très satisfaisant,
bien
meilleurs que tout ce que j'ai pu vivre jusqu'à présent.
En fait, ça fait plus de quarante ans
que je vis avec des idées de suicide, et c'est un peu comme si
j'étais au bord de la folie,
sans vraiment m'y laisser aller,
et peut-être trouver autre chose, ce "moi" qui reste comme en
prison.
C'est, je crois, ce que j'envie chez Isis, elle est vivante
dans sa folie, et elle y est belle.
Un jour je l'ai vue
participer à une partie de volley ball sur la plage. Elle
était déjà enceinte de six ou sept mois.
Elle était dans une
équipe, suivait des yeux le ballon, mais ne jouait pas
vraiment.
Non, elle faisait des pas de danse dans le sable, au
milieu des joueurs, et c'était beau....
Non pas que ce fut une
danse sublime, mais elle paraissait tellement présente à ce
qu'elle faisait....
C'est ce que j'ai trouvé beau. Cette sorte
de présence à soi, une "liberté d'être", en dehors des
conventions.
Eh oui, elle était censée jouer au volley . Eh
bien non, elle dansait, et personne ne semblait lui en faire
le reproche.
C'est en ce sens que j'ai le sentiment de n'avoir
pas été à la hauteur. Je suis resté entre deux, sur mon "quant
à soi",
dans ma petite prison à moi, bien au chaud, et rassuré
par mon bon sens.
Au lieu de la rejoindre, je suis resté loin. Elle est bien
plus vivante que moi...
Oui, elle a sa prison aussi....Le crack....ça l'aide à
supporter de ne pas pouvoir vivre comme tout le monde.
Là,
après l'échec de sa tentative d'être mère pour la troisième
fois, il lui fallait un secours, une béquille.....
Je me sens
responsable en partie de cet échec, car j'ai voulu l'aider, et
au lieu de ça, je l'ai enfoncée.
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En fait, pour revenir un peu sur le
passé récent, et peut-être comprendre mieux , c'est après lui
avoir signifié que si elle ne
s'occupait pas plus réllement de
son fils, je ferais un signalement à un service de protection,
qu'elle est partie,
par peur de le perdre, et il y a eu un
problème lorsqu'elle a donné son bébé en garde et voulu le
reprendre.
D'après des témoins, elle a pris son petit, s'est
baignée avec, mais d'une manière tellement excitée, que les
gens autour
ont eu peur et ont appellé la police. Et c'est à
ce moment qu'il a été confié à la grand mère.
Car Isis a déjà
une fille de quatre ans confiée à sa mère. Une semaine plus
tard, elle est revenue à la fazenda .
Je me sentais très
coupable de toute cette pagaille, et cependant, elle ne m'en
voulait pas du tout, et paraissait même soulagée
d'un poids.
Pour autant, elle parlait beaucoup de "Davi", faisait jouer
sans cesse son jouet musical, j'avais beaucoup de peine
à la
voir ainsi. Plus tard , j'ai parlé d'aller le voir, c'est à
400 km d'ici.
Puis elle m'a demandé de faire le voyage. rendez
vous a été pris avec sa mère, j'ai acheté les cadeaux qu'elle
voulait . la veille,
je lui prête un peu d'argent pour payer
un acte de naissance de sa fille, je viens la chercher, elle
avait tout dépensé,
et me demande de la laisser une après midi
en ville. Je n'ai pas accepté, car j'ai pris l'habitude de ne
jamais la laisser seule,
un peu à sa demande d'ailleurs. Je
lui ai dit , si tu sors de la voiture, tu ne reviens pas à la
fazenda......
Elle savait que je n'allais pas accepter. C'est
ainsi qu'elle cherche à me pousser hors de mes limites.
Le but
étant semble t-il d' aller au clash toutes les semaines, ce
qui semble correspondre à son besoin de crack.
Donc, elle est
partie, n'est pas allée voir sa mère et ses enfants, et
surtout à revendu les cadeaux achetés pour sa fille.
Le
lendemain, elle me retrouve sur la plage ou j'amarre la
barque, j'étais tellement furieux qu'elle ai vendu les jouets
des petits
que je lui ai donné une gifle devant tout le monde.
Dans le travail avec les toxicos, j'avais beaucoup évolué vers
plus de tolérance
, et redonner leur liberté de choix. Ce que
je croyais avoir appris, ici, dans cette situation, j'ai tout
oublié, et je me retrouve
avec ces vieux comportements
inutiles......il faut les cadrer, ils nous mentent, nous
mènent en bateau....
En fait, j'oublie qu'elle est
dépendante.... J'avais quand même essayé de lui acheter du
crack, et de la laisser fumer ici.
Quand elle en a redemandé ,
j'ai refusé...... En fait je crois qu'il faut que je lui
propose de lui acheter du crack, et fumer ici.
Limiter les
contacts avec la ville et ainsi la faire changer de vie
doucement, sans chercher à traiter la dépendance.
ça devrait
venir tout seul , par la suite. Je sens les choses ainsi. Il
faudrait que je l'accepte telle qu'elle est.........
le
problème, c'est qu'elle part dans tous les sens, et que je me
sens embarqué dans un voyage sans limites....
.dejà je fume un
joint de temps en temps avec elle, elle m'a aussi proposé de
fumer du crack avec elle......
C'est ainsi qu'elle n'a pas de
limites, et que je cherche à garder un peu de controle.
Enfin,
je crois que c'est plus sur la façon de dire les choses , que
je suis très maladroit.
C'était il y a déja quatre mois, en Janvier , Davi naissait.
Aujourd'hui, 15 Mai, Isis est repartie à la rue.
Depuis tout
ce temps, chaque fois qu'elle est retournée au crack, je suis
allez en ville , me montrant dans les lieux
où elle pouvait
être , pour lui donner l'occasion de demander à revenir à la
fazenda . Ça a marché ainsi chaque fois, elle me voyait,
venait me parler, et elle revenait à la fazenda, puis
repartait en crise au bout de 7 à 10 jours.
Elle avait besoin d'avoir toujours quelque chose à faire, en
plus de faire la cuisine ou s'occuper de la maison,
alors elle
a voulu faire des bougies....j'ai acheté des moules, la
parafine, les colorants, et parfums...ça a duré quelques
jours.....
C'était aussi bien qu'elle abandonne cette activité
car son coté "excitée " m'inquiétait , et lorsque je la
laissait seule,
j'avais toujours peur d'un accident, qu'elle
mette le feu....
Alors je la guidais doucement vers le dessin.....Elle
s'appropria cette activité avec une fébrilité
inattendue...
imaginant une exposition à la
fazenda.......Pourquoi pas...
Un soir, qu'Isis était revenue à la fazenda, je lui parlais de
mes amies, et des abus sexuels que certaines avaient subies.
Plusieurs de mes amies m'ont ainsi confié des viols,
incestes....presque chaque fois, c'était la première fois
qu'elles en parlaient
à quelqu'un. Ce sont des situations que
j'ai appris à connaitre malgré moi, et souvent avec douleur .
Je ne sais plus comment était venu cette discussion. Mais Isis
était devenue peu à peu très irritée, dérangée par ce que
je
lui racontais. Alors je lui demandais ce qu'il se passait;
elle me répondit qu'elle n'aimait pas parler de toutes ces
choses
désagréables. Ah bon.....Mais pourquoi ??? Est-ce que
cela t'est arrivé à toi aussi ??
Elle me répondit: " Non........ seulement la curiosité d'un
homme ".
La curiosité d'un homme ???
Quel était cet homme ? "Le compagnon de ma mère.."
Et tu avais quel age ? "6 ans ".
Qu'est ce que tu veux dire par "curiosité ".
"Eh bien, il m'a montré son sexe, et il m'a dit que c'était
comme une sucette, et que si je le suçais, il donnerait un jus
délicieux."
Il est clair qu'Isis a été abusé sexuellement, mais elle ne le
sait pas vraiment, ne veut pas le savoir....
Plutard elle niera avoir tenu ces propos.
Petit à petit Isis compris qu'elle pouvait revenir à la
fazenda, malgrè ces crises. Elle commença à revenir d'elle
même .
Je l'ai récupérée un jour, une fois de plus,... et comme
depuis quatre mois elle crisait chaque semaines, je lui ai
fait remarquer
cela et proposé d'acheter du crack une fois par
semaine. ensuite on a parlé quantité, et elle a proposé 30
reais par semaine,
soit "dix euros", ce qui ferait 40 euros
par mois ???????? très peu, au regard de l'enjeu.. stabiliser
une personne, et lui donner
le temps de se soigner...etc,, En
fait, bien qu'aillant travaillé sept années auprès de
toxicomanes, je n'ai aucune expérience
du sevrage de crack, et
il semble d'ailleurs que personne ne sache comment s'y
prendre.
Cet essaie de "crack une fois par semaine", n'a pas
marché, Isis a fait ses crises de nerfs quand même et est
retournée
fumer en ville.
Enfin..la vie continue....Lors d'un de ses retours, dès son
arrivée, je lui ai proposé d'aller voir sa fille, et son bébé,
chez sa mère qui m'avait instamment invité à amener sa fille.
Dès notre arrivée, la mére m'a accaparée, et j'ai dû lui dire
clairement que je n'était pas favorable à ce que sa fille
reste chez elle, mais que je n'interviendrais pas dans leurs
décisions.
Isis s'est montrée très proche de sa petite , qui
ne la lâchait pas d'une semelle, et qui, ensuite, a fait
pareil avec moi,
avec des demandes de jouer, d'apprendre à
lire l'heure..etc. ça été très sympa, et tendu, car la mère
d'Isis a eu beaucoup de mal
à accepter que la petite dorme
avec Isis, puis, qu'on lui achète quelques cadeaux...etc,
Au
final, la mère d'Isis a pété les plombs , accusant "mes
cadeaux", quand la petite a vomi un soir.
Je lui ai rétorqué
qu'elle n'avait cessé de stresser la petite "Maria" toute la
journée, la forçant à manger,
comme on gave les oies,
interdisant de jouer avec nos cadeaux......bref, la mère
d'Isis nous a retournée la table par terre,
dans une crise de
nerf très agressive.... Elle m'a demandé de partir. J'ai pris
mes affaires et ai laissée Isis seule avec sa mère ,
pour
décider de ce qu'elle allait faire . Isis a préféré partir
aussi . De retour à Itacaré, j'étais épuisé, et un matin,
je
me suis levé d'assez mauvaise humeur, nous avons fait des
courses, et j'étais dans une humeur à refuser tous les
caprices
de la belle. Ça n'a pas raté...à midi, c'était la
crise de nerf , et le lendemain matin , elle me disait qu'elle
n'avait plus
de sentiment pour moi.....Ce à quoi j'ai répondu
, "eh bien, si c'est ce que tu veux, tu peux t'en aller". Mais
elle ne veut pas partir.
....Pour moi c'était assez clair, "si
t'es pas gentil, plus de calin", plus crûment, " pas d'argent
, pas d'amour".
Tout ceci, au petit matin, avant que je parte
seul faire des achats. Je suis donc parti sur une rupture dejà
décidée.
Quand je suis revenu, elle m'attendait sur le quai,
vêtue en petite culotte, et drapée, très sexy.... et un trés
joli bouquet
de fleurs à la main, me demandant si j'allais
accepter un baiser... J'étais toujours fatigué, pas de bonne
humeur,
ayant ruminé son annonce de départ; mais elle change
du tout au tout; je n'ai pas cette souplesse ; accepté le
baiser,
j'ai essayé de savoir ce qu'elle voulait ?....rien...
ensuite je l'ai ramenée à la rue. Je n'ai rien pu faire
d'autre, tellement j'étais
en colère et fatigué . Mais
maintenant, je me dis que j'ai été encore à coté de la
plaque....
En fait, elle ne peut pas parler de sentiments ,
d'émotions... Mais elle était allée chercher ces fleurs, et
les tenait à la main
pour me les donner, en me disant, " si tu
les prends pas, je n'ai plus qu'à me tuer....." . Mais sur le
moment, je n'ai pas entendu ,
ses mots me reviennent
maintenant, avec plus de clarté et de force, car les entendre
en Portugais, pour moi, ça décale le temps
de comprendre....
Voila, comment nous avons vécu ces moments....
.Une fois de
plus, elle a crisé, et j'ai l'impression de ne rien entendre,
ni comprendre au bon moment.
Pas moyen de passer plus d'une
semaine sans "clash".
Isis a demandé à revenir, j'ai acheté son crack, puis ai dit
que si elle tenait quinze jours tranquille, elle aurait sa
planche de surf.
Au bout d'une semaine, elle a réclamé du
crack, j'ai dit ok, mais bon, tu n'auras pas la planche de
surf, ce sera pour plutard........
Le soir elle a renoncé au
crack, pour la planche de surf, j'étais vraiment tres étonné,
surpris, et le 15 ème jour j'ai reçu
en cadeau une planche de
surf à réparer, de la part d'une amie d'ici. Donc comme
promis, elle avait sa planche de surf.
Isis était toute
contente. Le lendemain petite crise......puis, elle a demandé
à retourner à la rue......Ok.....
.Après une semaine, cette
fois, elle téléphone pour revenir..... Elle est ici..... Petit
à petit, elle demande à revenir,
alors que jusqu'à présent, je
la croisais dans la rue et elle me suivait. Elle garde en
mémoire les lieux ou elle peut me trouver,
là, elle a même
gardé mon Nº de tel. Je crois que ce sont des progrès
important....plus de confiance.... Tout va bien pour
l'instant.
J'apprends aussi à me défaire des préjugés
tenaces........ C'est vraiment très bizarre, car elle revient
toujours dans des états
minables, et reprends, aussitot
arrivée, d'autres gestes.....faire la cuisine, laver le linge,
nettoyer, planter , recoudre un drap....
....chanter......
On a continué ainsi jusqu'en Aout 2014
. Isis passait une semaine ici, puis une semaine en ville.
Puis un jour, j'ai eu l'impression d'avoir perdu de
l'argent...peut-être Isis ?
Un jour, elle revient seule, par elle même, à la fazenda, dans
un sale état, pour parler, entre amis, elle veut me parler.
Je
la laisse se reposer, et, comme j'ai un doute de vol, je vais
compter mon argent, puis retourne travailler.
Nous déjeunons,
parlons un peu, elle est un peu délirante.
En fin d'après midi, elle me demande de la ramener à Itacaré.
Je vais vérifier mon porte monnaie. Il manque 50 reais. Je le
lui dis, car cette fois, j'en suis absolument sûr.
Elle ne veut rien reconnaitre. Me crie qu'elle a travaillé,
fait le ménage, etc... des arguments habituels.
Elle reste accrochée à l'idée que je l'ai embauchée...
Je lui répète que ça n'ai pas vrai. La crise, cris,
menaces....Elle s'arme d'un baton, en furie....
Ok, je vais te
raccompagner, mais Isis tu dois entendre que "tu m'as volé 50
reais, et que tu ne veux pas le reconnaitre.......
Et puis sur le fleuve, je me dis que je n'ai pas à lui rendre
les départs aussi faciles , surtout après m'avoir volé .
Je
décide de la déposer en face, sur l'autre rive du fleuve, un
endroit de mangrove à quatre km de la ville, donc dans la
boue.
Elle refuse de descendre. Me menace avec l'ancre. Je vois
rouge, et lui envoie un coup de rame . Elle descend...
Je suis dans mon bon droit...enfin c'est ce que je pense....
Mais je me sens coupable...c'est une "toxico", c'est évident
qu'elle peut me voler, et normal...
La semaine passe......J'ai croisé Isis, elle s'est cachée, et
m'a fuit.
Ce soir 14 Aout, je l'ai croisée encore...Elle mendie, avec
une fleur en papier dans les cheveux, et elle a retrouvé ses
gestes
de petite fille timide, elle me fait peine, et je me
sens encore plus coupable. Elle n'a pas d'autre solution que
de vivre ainsi...
Quand elle est "sous crack", Isis a des comportements
masochistes, elle se donne des giffles en marchant,
fait des
signes de croix,
sourit à tous, ...ou se met en colère...
Bref, et je me demande pourquoi je rate tout...enfin, pourquoi
toutes mes réponses sont décalées, à coté,
pas en relation
avec ce que je voudrais...bref...discordantes...
Je voudrais pouvoir revenir à l'instant précédent pour pouvoir
faire la bonne réponse..bien sûr, ce n'est pas possible..
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Par ailleurs je me suis embarqué dans
de gros travaux.
C'est que depuis l'achat de cette fazenda, j'ai acquis un mini
tracto pelle, je creuse, place des tuyaux, m'embourbe souvent,
pour faire
trois bassins naturels qui vont servir de piscine, de
décoration. J'installe aussi un générateur à roue à aube dans
la cascade....Tout ça avec un ouvrier super sympa.....Deux ans
de travaux durs, et Isis qui aide en s'occupant de la maison,
des repas, plante, fait des boutures......
Une fois, après une semaine sans crack, je lui ai proposé de
faire une balade en bateau jusqu'à Salvador.
Mon intention était de changer un peu de rythme, de lieu, et
voir si celà pouvait avoir une influence sur son rythme de
"Crise ".
Mal de mer....Deux crises de nerf en arrivant, discussion
impossible.........elle,........retour en bus.....moi, seul en
voilier.
En fait, sortie du bateau elle a vadrouillé en ville, et comme
la crise avait été assez violente, menaces, etc...
j'avais
prévenu les gardiens de la marina qu'ils ne devaient pas la
laisser revenir sur le bateau en mon absence.
Elle est revenue au bateau quand je n'y étais pas, et a été
rejetée par les gardiens.
Alors elle a vite rencontré un gars qui lui a dit ou trouver
du crack ........pas compliqué.
Elle est revenue 15 jours plutard.
Une fois, nous avons fait une balade en mer, avec Pascal, et
Jean.......Elle avait très peur de se retrouver avec des gens
qu'elle connait, mais qui sont plutot de mes amis. Ce fut
surtout un grand mal de mer.....
Je faisais des efforts pour trouver des portes de sorties à
ces séries de crises....
Puis, j'ai enfin compris que j'avais des efforts à faire pour
ne pas la suivre dans sa violence.
Car jusqu'à présent, j'ai presque toujours réagit en miroir à
ses crises.
Alors, je parviens à la laisser s'énerver seule, et c'est elle
qui revient s'excuser.
Ainsi, elle parvient à rester trois semaines sans crack.
C'était la première fois que son séjour durait.....
Pour la première fois aussi, qu'elle réussi à partir en disant
qu'elle a besoin de fumer, et celà , sans crise.
Nous sommes le 20 Mars 2015, déjà plus d'un an qu'Isis reviens
régulièrement à la fazenda et je n'ai rien écrit.
Petit à petit, elle a trouvé seule le chemin. Le temps est
passé ainsi, une semaine, parfois 10 jours ici dans la
fazenda,
puis crise, retour à Itacaré, crack , rue, et retour fazenda .
Maintenant, elle économise l'argent sur ses dépenses de
"crack", pour revenir en payant sa "lanche", barque .
Elle revient déjà un peu sevrée... Ce sont des progrès
énormes.
Je réalise, en écrivant, qu'Isis fait de très grands efforts
pour rester ici dans la fazenda.
Elle a même accepté de signer une reconnaissance de dette.
J'ai fait une sorte de test.
C'était pour essayer d'évaluer son désir de s'en sortir. Bien
sûr, je ne m'en servirais pas.
Mais ce fut pour moi, une preuve de sa bonne volonté. Car j'en
doutais.
Elle est donc partie vendredi dernier, en disant qu'elle était
trop mal.
Lundi, elle est revenue, et ce fut comme "une grande
déchirure" dans ma tête, car j'ai été obligé de lui dire
qu'elle ne pouvait
pas rester,
car je veux être tranquille pour recevoir ma fille, qui vient
passer une semaine avec sa petite Luna.
Elle était triste, et m'a dit qu'elle aurait aimé que je lui
présente ma fille.
J'étais très triste ausi, et me sentais coupable.
Mais je ne me sentais pas la force d'envisager d'assumer ses
crises de nerfs avec ma fille au milieu.
Le Mardi, je suis allé la voir en ville pour lui donner un peu
d'argent, et surtout lui dire
qu'elle pourrait revenir à partir du 4 avril (2015), et que je
l'emmènerais faire une cérémonie d'Ayahuasca.
Mon intention était qu'elle garde confiance, et que je ne
l'abandonnais pas.
Bien au contraire, car chaque fois qu'elle part, je ressens
encore plus que je l'aime.
Et je voudrais pas qu'elle fasse une bêtise pendant cette
période.
Le lendemain j'ai rencontré Pedro et Dani, qui ont été très
intéressés par mon histoire avec Isis.
J'ai connu Pedro et Dani lors de cérémonies d'Ayahuasca à
Borboletta Azul .
Ayahuasca ??? Pourquoi ??? C'est une des décoctions utilisée
par des indiens d'Amazonie, dans un cadre rituelique,
et il y
a un médecin français qui a ouvert un centre de soins en
Amazonie péruvienne pour traiter les dépendances à la cocaine
et au crack .
J'avais été invité par un professeur de yoga, il y a vingt
ans, à suivre une initiation avec l'Ayahuasca, ou avec
l'Iboga.
Mais j'avais eu peur de ces démarches.
Arrivé au Brésil, j'ai trouvé un centre psychothérapeutique
qui propose un travail avec des cérémonies d'Ayahuasca.
J'y ai suivi une cession de 10 jours . Ce fut très
intéressant, et j'ai donc continué à participer à des
cérémonies Ayahuasca
avec un autre groupe . J'ai ainsi acquis une petite expérience
au cours d'une quarantaine de cérémonies .
C'est ainsi que j'avais fait la connaissance de Pedro et Dani.
Ils m'ont proposé de rencontrer Antonio, qui était accro au
crack, et a arrêté grâce à une cure d'Ayahuasca.
J'ai rencontré Antonio le jour même et avons convenu de se
voir avec Isis dès le 5 Avril, et préparer
une série de 9 cérémonies pour elle, que l'on fera dans la
fazenda.
Déjà, ils ont parlé de planter les arbustes pour plutard.
J'ai donné 200 reais à Antonio pour les premiers frais.
Début Avril,j'ai des nouvelles d'Antonio, il viendra le 13 pour
voir Isis. En fait ils arriveront bien le 13,
lui et sa compagne Maïra, et à peine arrivés dans la fazenda, il
pose deux bouteilles d'Ayahuasca sur la table,
et la première cérémonie commence sans que Isis ait eu le temps
de se poser des questions.
|
C'était très bien ainsi, car
j'avais peur qu'au dernier moment elle hésite, recule.
Six mois que je lui parle d'Ayahuasca.........et aujourd'hui, je
ne sais plus comment faire
pour stopper ce cycle de reproduction
de situation de crises,
L'Ayahuasca est la seule autre porte de
sortie à expérimenter.
Je lui en ai beaucoup parlé, et aussi
j'ai suivi ce chemin avant elle pour ne pas
l'embarquer dans une
galère, ou prendre des risques inconsidérés.
C'est pour ces
raisons que j'ai voulu faire ces cérémonies à la fazenda, chez
moi donc.
Elle but un demi verre, et nous tous, aussi.
Elle vomi, fut bien secouée, et jura, que jamais elle n'en
boirait à nouveau.
La deuxième cérémonie dans la fazenda Jasmim, eu lieu sans Isis.
J'insistai beaucoup, et lui rappellais que Ayahuasca était la
seule possibilité connue
pour aider à sortir du "crack".
Elle participa à la troisième en buvant deux cuillères...... |
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Isis demande à participer aux cérémonies, mais elle se limite
à deux cuillères, ce qui la fait dormir.
Elle parle peu de ce qui se passe en elle, mais elle dit aussi
"Ah, il faut que je pense un peu à mon comportement".
Et ça, c'est très étonnant, car c'est la première fois en un
an et demi qu'elle se remet en cause.
Enfin du nouveau, elle prends conscience qu'elle n'aime pas
tout de son comportement..qu'elle veut changer ......
Antonio et Maira sont partis. C'était bien qu'ils soient
là..ça me faisait moins de poids sur les épaules.
Isis aime bien Maïra, elle parlait plus volontier avec elle.
On continue des petites cérémonies entre nous, moi et Isis,
une fois par semaine, deux cuillères chacun.
Cela nous apporte un moment de tranquilité d'esprit, de
sérénité.
Isis va parvenir ainsi à ne pas fumer pendant un mois et demi.
Puis elle demande un peu de maconia...une bière...et elle veut
retourner à Itacaré fumer du crack.
Elle dit : "préciso crack " j'ai besoin....
Ok, la porte est d'autant plus ouverte, qu'il n'y en a pas.
Je vais en ville avec la barque, tandis qu'Isis attend sur le
quai une bonne âme qui voudras bien l'emmener.
Car quand elle veut partir, je ne l'en empêche pas, mais je ne
l'aide pas non plus..
Lorsque je reviens, elle m'attend sur le quai, elle a décidé
de rester...
C'est une super bonne nouvelle, et je reste très ètonné, elle
a gagné des forces, une capacité nouvelle à choisir,
je ne
sais pas ce qu'il se passe en elle, car elle n'exprime rien de
ses pensées...est-ce qu'elle en a ? est-ce qu'elle pense ?
je
ne sais pas, elle refuse en tout cas de communiquer ses
pensées. D'ou, plutot des crises de nerf.
Puis arriva des évènements imprévus qui nous causèrent
beaucoup de difficultés.
Nous fumes assaillis à deux reprises par des bandits armés, le
22 avril et le 29 mai 2015.
Isis fut abusée, moi battu longtemps, elle tenta de prendre ma
défense, au risque de sa vie.
Ce fut très violent, ils étaient quatre, masqués, armés, en
furie......
Nous avons fuit la fazenda quelques jours.
Isis ne voulait plus y revenir tant qu'il n'y aurait pas des
portes avec serrrures.
Elle avait raison . J'installais des portes , me procurais un
chien , installait des projecteurs autour de la maison.
Petit à petit nous sommes revenus au cours habituel de notre
quotidien, travaux dans la fazenda, dessin, et nos petites
cérémonies Ayahuasca qui de loin en loin amenèrent Isis à
rester trois mois sans fumer , et sans crise de nerf.
Isis voulait bouger, aller à Salvador
em bateau, voir des spectacles …..
Alors on a tenté de nouveau un voyage à Salvador. Ce fut une
bonne navigation. Isis pris ses quarts de surveillance,
pendant que je dormais un peu. Puis Salvador, où elle voulu
voir autant de chose que possible, le musée de la marine, le
phare,
et une soirée au cirque.
Isis au cirque....ce fut un grand moment de joie et de rire
pour elle...un grand moment de joie pour moi de la voir ainsi
battre
des mains et rire et sauter sur son banc......
Ensuite on a visité aussi le parc zoologique..Elle voulait
tout voir et tout faire comme une enfant.
Je rechignais à payer pour une photo avec Mickey.....alors
elle en a pleuré....alors on a fait la photo.
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J'étais toujours tiraillé entre l'envie de lui faire plaisir,
de dire oui à tout..et mon besoin de limiter un peu tous ses
désirs....
Ne faut-il pas, pour sortir de la drogue, de
l'urgence, du tout et tout de suite, qu'elle apprenne la
frustration,
la gestion des désirs, du manque.....??
En dehors des taches quotidiennes, moi à creuser piscines, ou
placer des tuyaux d'eau, etc..Isis à la cuisine, ou au ménage,
Isis avait le temps de ses activités de "reconstruction".
Comme elle avait été formatée dans une école évangélique,
pour
contre carrer cet enseignement étroit, j'avais offert à Isis
"une histoire brève du monde".
Un livre d'histoire plus
scientifique . Elle avait aussi à disposition papier à dessin,
crayon, feutres, peintures, et dessinait
abondemment....C'était son moyen d'expression privilégié. Une
fois par semaine on allait sur la plage, elle surfait,
je
nageais un peu et passais beaucoup de temps à la regarder.
Elle avait besoin de ce regard , tout en surfant elle
m'envoyait des signes de la main.....pour s'assurer que je la
regardais....
Oui, Isis, je suis là, je te "vois".....Il était
important que je puisse décrire comment elle avait surfé cette
vague,
et quelle belle chute.....
Un jour, un matin de bonne heure, peu de temps après que j'ai
engagé mon troisième ouvrier/gardien (caseiro, Nildo),
elle se
mit à courir après lui, en furie, en gueulant des mots
désagréables que je ne comprenais pas .
J'essayais en vain de
faire comprendre à Nildo de s'en aller faire autre
chose...mais rien à faire, il ne comprenais pas .
Pour que
cela ne dégénère pas, j'ai ceinturé Isis en pleine crise de
nerf, et je nous ai envoyé dans la piscine .
Ça ne l'a pas
vraiment calmé , elle sorti de l'eau aussi furieuse, mais
contre moi cette fois .
Bon j'avais évité la perte de mon
ouvrier . Je n'ai jamais su le pourquoi de cette crise ,
C'était une période difficile pour nous.
Nous avions besoin
d'une présence permanente pour nous aider à rester dans la
fazenda .
Et j'avais beaucoup de mal à trouver un caseiro
correct . Le premier, Antonio , nous avait laissé tombé au
bout de dix jours
sans rien dire...Le deuxième avait commencé
à me voler le troisième jour...
Isis était extrèmement sensible, et il se pouvait qu'elle ait
eu des impressions désagréables au sujet du caseiro .
Mais
elle ne parvenait pas à en parler. Peut-être par refus de
partager des bizarreries du " Brésil ",
de la mentalité très
spéciale des gens d'ici .
Peut-être y avait-il de la peur ........
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